Aujourd’hui aucune erreur n’est possible mais qu’en était-il avant ? Comment les grandes découvertes ont-elles été faites alors que les aventuriers comme Colomb ou Magellan partaient vers des destinations approximatives avec des connaissances biaisées par des croyances sans fondement ?
Carte : représentation géométrique généralement plane, simplifiée et conventionnelle, de toute la surface terrestre ou d’une partie, dans un rapport de similitude convenable.
De la préhistoires au Moyen-Âge
Les prémisses de la cartographie remontent à la Préhistoire. Ainsi les dessins retrouvés dans les grottes préhistoriques seraient considérés comme une représentation du territoire où l’homme vit et chasse. Cette traduction graphique de l’environnement extérieur est d’ailleurs considérée comme la première forme de communication.
Au fil des évolutions, agriculture, transport, territorialisation, la cartographie devient une nécessité. Les connaissances scientifiques et les représentations de la terre évoluent très rapidement durant l’antiquité. Présentée comme une planète qui flotte sur l’océan chez les Babyloniens (1000ans avant J.-C.), elle est finalement définie comme ronde par les Grecs (650ans avant J.-C.).
La première carte (tablette de Ga Sur) daterait de 2500 ans avant J.-C. Il s’agit d’une plaquette d’argile babylonienne qui décrit la vallée de l’Euphrate et son environnement. Mais les véritables pères de la cartographie scientifique sont les grecs. Soucieux de définir clairement le bassin méditerranéen. Ils associent observations et récits de voyageurs (Alexandre Le grand par exemple) à des théories mathématiques et astronomiques. En effet, ils sont les premiers à baser leur orientation sur les étoiles, à diviser la terre en latitudes et longitudes et à décrire des continents et océans. Erastothène, Strabon, Ptolémée : Les savants grecs se succèdent et améliorent encore un peu plus le travail du précédent.
Les romains ne sont pas en reste. Leur vision de la cartographie est cependant plus pratique que scientifique. Ainsi les distances entre différents points et les lieux stratégiques sont privilégiées à la justesse du chemin emprunté.
De l’importance de la religion à la nécessité du commerce
Au début du Moyen-Âge, la cartographie est renvoyée au rang d’illustration du dogme religieux. Même si les notions de continents ou d’océans existent toujours, les cartes ne sont plus qu’une interprétation des textes bibliques. Les mappae mundi montrent une Terre plate divisée en trois continents (Europe, Asie, Afrique) de forme géométrique et séparés par des mers formant un « T » au centre duquel se situe la ville sainte de Jérusalem. Le symbole de cette époque est la carte TO. Les voyageurs, pour s’orienter, n’utilisent donc pas de cartes mais des guides qui recensent les étapes successives et les curiosités locales permettant de se repérer.
Tandis que la religion annihile les découvertes grecques en Occident, en Orient, les arabes compilent leurs observations aux théories grecques. Cela leur permet de développer leur commerce et leur exploration. Figure de proue de cette évolution arabe, le géographe Al-Idrîsi rédige près de 70 cartes du monde connu (Europe, Afrique, Chine). Au-delà de la cartographie, Al-Idrîsi est le précurseur de la géographie moderne. En effet, il ajoute à son atlas de nombreux commentaires renseignés par des savants et des voyageurs qu’il a interrogé. Par souci de précision et pour éviter le légendaire, des émissaires sont même dépêchés pour vérifier leurs dires. Pour la première fois, la notion de climat en fonction des régions est décrite.
Avec la croissance des relations commerciales et des besoins économiques, les pays occidentaux doivent oublier leur conception religieuse et se plier à la réalisation de cartes pratiques et réalistes. La fin de XIIIème siècle marque donc le retour de la cartographie.
Les découvertes et la nécessité de précision
Commerce, Croisade : les cartes marines deviennent vite indispensables. Initialement méditerranéenne, la cartographie voit naître une nouvelle forme de cartes : les portulans. Ces cartes nautiques peintes sur parchemin permettent de repérer les côtes, les îles, les abris et les amers. Elles contiennent également des textes indiquant les ports, les cotes et les durées de navigation. Quadrillés, les portulans permettent la navigation au compas et à la boussole. La première carte de ce type connue est la Carte Pisane (1291).
A partir du XVème siècle, l’exploration est reine. Nouvelles routes de commerces, conquêtes de nouveaux territoires, l’homme est avide de découvertes et part à l’assaut de l’Atlantique. Les côtes de l’Afrique se dessinent au fil des décennies jusqu’à atteindre le Cap de Bonne Espérance en 1487.
Les écrits de Ptolémée sont étudiés corrigés et diffusés grâce à l’arrivée de l’imprimerie. Les mappemondes sont élaborées de l’Europe jusqu’à la Chine. Elles indiquent alors un océan franchissable entre les 2 continents qui faciliterait le commerce. C’est à partir de cette erreur que les expéditions de Christophe Colomb et Fernand de Magellan sont menées.
Après la découverte des Amériques la cartographie du globe est bouleversée. Dès 1500 apparaissent les premières véritables mappemondes du « Nouveau Monde » (Juan de la Casa). S’en suit le développement de nouvelles méthodes scientifiques pour la détermination du profil des côtes avec la triangulation et les relevés de sondes. Afin de centrer les connaissances cartographiques, des organismes sont fondés dans toute l’Europe. En France c’est l’Ecole de Dieppe qui est chargée de la réalisation des cartes.
La révolution française dans le monde de la Cartographie marine
Charles-François Beautemps-Beaupré[/caption]
Même si les méthodes s’améliorent au fil des décennies, la cartographie marine reste une science approximative. Un homme, un français, Charles-François Beautemps-Beaupré, va révolutionner l’hydrographie.
Agé à peine de 10ans, Beautemps-Beaupré fait ses premiers pas au Dépôt des Cartes et plans de la Marine auprès de l’Abbé Buache, un géographe très apprécié à la cour et dans le monde savant. En 1791, il embarque à bord de la Pérouse en direction des Mers du Sud. Depuis 10 ans, il cartographie cette zone à partir de cartes et de mémoires de marins français britanniques, hollandais ou espagnols. Ce voyage est un véritable déclic pour Beautemps-Beaupré : l’ère de l’hydrographie de découverte est révolue, il faut faire place maintenant à l’hydrographie de précision. Il faut désormais donner une image exacte des mers et littoraux. La trigonométrie est mise à l’honneur : Beautemps-Beaupré est le premier à substituer aussi souvent que possible les constructions graphiques aux calculs (cercle à réflexion).
Sa première cartographie précise, de Nouvelle Calédonie, reçoit des éloges pour son exceptionnelle précision. Editée en de multiples exemplaires, elle est même traduite en anglais. Au début du XIXème siècle, à une époque où les naufrages sont encore très nombreux à cause des cartes peu précises et souvent pas contrôlées, les officier de Marine rêve de voir appliquer la méthode de Beautemps-Beaupré à tout le littoral. Mais il est nécessaire de contrôler l’édition des cartes car à cette époque n’importe quel particulier peut s’improviser hydrographe. Grâce à l’ordonnance du 6 juin 1814 est crée le Corps des ingénieurs hydrographes de la Marine. Nommé ingénieur hydrographe en chef de la Marine et Conservateur adjoint du Dépôt des Carte, Plans et Journaux de la Marine et de Colonies, Beautemps-Beaupré est en charge de la reconnaissance hydrographique des toutes les parties de côtes de France. Durant 23 années de campagne (1816-1838), il analyse donc les côtes françaises. Dès la première publication, les cartes sont reçues avec enthousiasme par les professionnels de la mer.
Il n’a certes exercé son savoir-faire que sur les côtes françaises, mais il est aujourd’hui encore une référence en la matière. Même avec l’arrivée de nouvelles technologies comme le laser aéroporté, certains de ses relevés servent d’ailleurs encore de référence.
Sources :
– HISTOIRE DE LA CARTOGRAPHIE Les nouvelles cartes marines par Olivier Parvillers
– HISTOIRE DE LA CARTOGRAPHIE Yann Caradec